Je reposte cet article avec quelques conseils de plus car je croise actuellement pas mal d’athlètes souffrant de fractures de fatigue à l’issu du confinement. Ayant moi même fait les frais d’une telle blessure je profite de cet article écrit il y a quelques années pour vous le partager de nouveau.

Bref rappel, on m’a diagnostiqué une fracture de fatigue quelques années en arrière, fracture de fatigue assez sournoise et sortie de nulle part car à cette époque impossible d’incriminer une pratique intensive de la course à pied. Ayant pour seule expérience de fracture un historique de fracture du coude rapidement consolidée, j’étais optimiste quant à la guérison de ma fracture de fatigue. J’ai alors débuté mes recherches pour tenter de recoller cet os au plus vite. Et je découvrais que la fracture de fatigue allait me réserver bien des surprises… A commencer par une évidence… Il me fallait du repos !! Faisons le point sur ces fractures de fatigue auxquelles les sportifs, et notamment les coureurs, sont exposés.

L’os… Comment ça marche ?

L’os est un tissu vivant en renouvellement constant. Les os possèdent un métabolisme propre qui fait partie d’un processus permanent de transformation. Un bon équilibre entre la dégradation et la production constante de matière osseuse est impératif pour garantir la résistance et la mobilité des os.

Notons que l’efficacité d’un tel mécanisme réside dans l’équilibre subtil entre dégradation et synthèse osseuse. Tout déséquilibre pouvant mener à une augmentation de la lyse osseuse et fragiliser à terme la trame osseuse, rendant l’os plus vulnérable aux contraintes.

Chez le sportif, surtout pour les sports avec impact, les contraintes mécaniques provoquent des microlésions osseuses qui stimulent ce turnover métabolique. Le principe est simple : provoquer de petites lésions pour stimuler les mécanismes de réparation et rendre l’os plus résistant. C’est pour cette raison que l’on conseille aux cyclistes (sport porté sans choc) de courir en complément pour renforcer le squelette. C’est aussi pour cette raison qu’il est utile de reprendre les sports comme la course à pied avec précaution et progressivement suite à un arrêt prolongé de la pratique sportive. Méfiance donc après un accident, une immobilisation, une période de repos ou de convalescence…

La fracture de fatigue…

Elle porte bien son nom… L’os est fatigué ! Il n’a plus les ressources pour encaisser les contraintes mécaniques et il cède ! Ces fractures surviennent sans traumatisme évident  et résultent d’une hyper-sollicitation du système ostéo-articulaire responsable de microtraumatismes répétés qui fragilisent l’os. C’est donc une maladie d’adaptation de l’os à l’effort en l’absence de traumatisme aigu.

Il est important de préciser la notion de seuil de tolérance. Vous l’aurez compris, cette hyper sollicitation ne vient pas réellement d’un excès de contraintes mais plutôt d’une incapacité de l’os à répondre à ces contraintes. Vous n’avez pas couru, ou si peu, et pourtant on vous annonce une fracture de fatigue. “Je ne comprends pas je n’ai rien fait de particulier…” est souvent une réaction spontanée illustrant l’incompréhension face à la situation. Il est alors utile de rechercher toute cause ayant pu provoquer une fragilisation de la trame osseuse: terrain acide, trouble de la réponse immunitaire, charge d’entraînement inadaptée, non respect des périodes de récupération, hyper-perméabilité intestinale… Et sans oublier l’arrêt prolongé de la pratique sportive ! Si votre organisme s’est désadapté vous serez plus à risque.

Certains sports comme la course à pied sont plus à risque. Le tibia est alors la localisation la plus fréquente. Sachez que le poids du corps est multiplié par 2,75 à la marche, par 5 à la course, par 7 en descente et par 10 lors d’1 saut ! Les femmes sont 3,5 fois plus affectées que les hommes.

La fracture va se traduire cliniquement par des douleurs osseuses localisées d’apparition progressive et un peu d’impotence fonctionnelle. L’os atteint est douloureux à la palpation. Après une période de relative bonne tolérance, les douleurs osseuses s’intensifient, cela peut traduire une fracture vraie avec déplacement des fragments osseux.

Mais pourquoi l’os est fragilisé ?

La cause la plus fréquente de fracture de fatigue chez le sportif est une augmentation rapide ou non adaptée de la charge d’entrainement (stress répété sur l’os et moindre capacité de régénération). Méfiance donc en phase de reprise sportive ! Allez-y progressivement et laissez du temps aux os de s’habituer à la nouvelle intensité d’effort.  

Certains déséquilibres biomécaniques peuvent amplifier un stress mécanique et favoriser l’apparition d’une fracture de fatigue. C’est le cas des pieds pronateurs par exemple. Ou encore de facteurs extérieurs comme un changement de terrain (passage sur sol dur), un changement d’équipement sportif (nouvelles chaussures et modifications des appuis)… Il convient donc là aussi de rester vigilant et de ne rien modifier trop rapidement.

Les déséquilibres nutritionnels peuvent être à l’origine de troubles du métabolisme osseux : carence en protéines, en calcium, en Vitamine D, terrain acide…

Les ostéoclastes (cellules qui dégradent l’os) sont de gros macrophages spécialisés et sont donc des cellules du système immunitaire. Si ce dernier est trop stimulé ou mal stimulé, il peut en résulter une suractivation des ostéoclastes, et une résorption osseuse accrue ou un défaut de réparation.

Les carences hormonales peuvent favoriser l’apparition de fractures de fatigue. Chez la femme, lors d’une pratique sportive intensive on peut retrouver des phases d’aménorrhées, une masse grasse faible… Autant de facteurs qui signent une baisse de la production d’œstrogènes. Pensez aux jeunes danseuses classiques qui sont grandement exposées aux fractures de fatigue du pied.

Le risque est donc multifactoriel. Ces fractures ne sont pas anodines et sont la conséquence de déséquilibres impactant le métabolisme osseux. Chaque terrain individuel doit être analysé à la loupe pour identifier les causes de cette fracture et prendre en charge les différents facteurs de risques. Entre difficultés à poser le diagnostic et variabilité des sources de déséquilibres, la prise en charge est parfois difficile avec retard diagnostic, absence de cicatrisation, récidive…

Quelle technique d’imagerie pour poser le diagnostic de fracture de fatigue ?

Ce qu’on vous proposera en première intention face à vos douleurs est une radio. Malheureusement elle ne permet pas toujours de détecter la fracture. Il faut privilégier l’IRM et la scintigraphie osseuse, deux examens qui permettent de visualiser les lésions liées à la fracture (œdème osseux, inflammation du périoste, atteinte corticale) et d’écarter tout diagnostic différentiel.

Prise en charge : il n’y a pas QUE le repos !

Pour ma part j’ai perdu plusieurs mois pour ma fracture… Pour cette simple raison qu’on m’a répété et répété et encore répété qu’il fallait que je me repose… Et qu’il n’y avait rien d’autre à faire… Alors pas de course à pied pendant plusieurs semaines… Et à chaque tentative de footing (j’entends par là 2km… alterné de marche et petit trot) les douleurs revenaient.

Alors oui du repos il en faut. Mais pas n’importe comment et pas seulement.

Tout d’abord on réfléchit deux secondes et on recherche la  ou les causes possibles à cette fragilisation osseuse. Si c’est votre os qui a cassé et pas celui de votre coéquipier de course c’est bien qu’il y a chez vous quelque chose qui explique ce seuil de tolérance moindre. Alors avec votre médecin n’hésitez pas à réaliser un bilan hormonal, à rechercher des modifications biomécaniques récentes (mauvais appui, déséquilibre musculaire…), faites un examen biologique à la recherche de carences en Calcium et Vitamine D, recherchez un trouble du métabolisme osseux avec la mesure de marqueurs de la dégradation osseuse cross laps, CTX (on les mesures pour évaluer l’efficacité d’un traitement pour l’ostéoporose), identifiez vos antécédents (blessures, accidents…). Bref, cherchez ! Votre os n’est pas fait pour casser ! Si vous vous contentez de repos sans traiter la cause vous n’en finirez jamais…

La prise en charge de la fracture de fatigue est variable selon la localisation de la fracture et le risque de complication. Il va du repos sportif à l’immobilisation plâtrée, jusqu’à la chirurgie dans certain cas. Repos et modification de l’activité, sont généralement admis. En revanche, chez les sportifs, une reprise précoce du sport est demandée et l’immobilisation est rarement nécessaire sauf dans des cas spécifiques.

Une courte phase de mise au repos de la jambe peut être envisagée avec l’utilisation de béquilles. En complément le port d’une orthèse gonflable pourrait diminuer les contraintes osseuses en déportant une partie de la charge sur les tissus mous et en favorisant la circulation sanguine. Une étude réalisée chez des sportifs avec fracture de fatigue tibiale a démontré les bénéfices des orthèses gonflables sur un retour plus rapide aux activités sportives (étude).

Il convient également de corriger les facteurs de risque prédisposant à des récidives. Si la fracture est liée à un mauvais appui, des semelles orthopédiques adaptées seront nécessaires pour corriger l’impact du pied au sol. Une supplémentation vitaminique en calcium et Vitamine D peut être envisagée. Il est important de maintenir une bonne hydratation et, côté alimentation, il faut privilégier les aliments riches en minéraux…

Les bisphosphonates sont des médicaments parfois utilisés quand on retrouve un trouble métabolique avec turn over osseux augmenté. Malgré l’absence d’indication spécifique pour le traitement des fractures de fatigue. Ils sont indiqués dans l’ostéoporose pour leur action anti-osteoclastique (inhibition de l’activité des cellules responsables de la dégradation de l’os) favorisant ainsi la régénération osseuse.

Côté physiothérapie, les ultrasons pulsés de faible intensité ont démontrés des bénéfices dans la prise en charge des fractures de fatigue par stimulation des processus naturels de réparation des tissus.

Enfin la thérapie par Onde de Choc radiales (TOCr ou shockwave) est une thérapie mécanique actuellement utilisée avec succès dans les retards de consolidation.  Les ondes provoquent des micro-fractures corticales, un hématome sous-corticale et augmentent la circulation et l’activité cellulaire en faveur d’une ostéosynthèse. Plusieurs études attestent des bénéfices du traitement par ondes de choc extra corporelles (Taki et al. 2007 : disparition des douleurs à un mois et consolidation osseuse radiologique à trois mois dans 5 cas de fractures de fatigue rebelles chez des sportifs professionnels de 17 à 22 ans). Toutefois assurez vous avant de votre bon métabolisme osseux !

Et sinon… Plantes ? Homéo ? Potion magique ?

Le sportif se contente rarement de faire ce qu’on lui dit… Il va donc chercher en complément d’autres solutions et remèdes miracles un peu partout. Pour les fractures de fatigue j’ai retrouvé quelques astuces que je cite sans détail si toutefois vous souhaitez vous pencher sur le sujet :

  • Phytothérapie locale avec la Consoude (baume ou crème)
  • Blanc d’œuf en application externe
  • Homéopathie avec Rexorubia (reminéralisant)…
  • Phytothérapie orale avec plantes minéralomodulantes (prêle, ortie piquante…)

Bien entendu il ne s’agit la que de petits coups de pouce si tout le reste est équilibré. Pensez à bien manger, bien boire,  à limiter le tabac et l’alcool, à traiter toit foyer inflammatoire, et en dernier recours prenez RDV avec la sorcière du quartier !

Comment gérer la reprise de l’activité physique chez le sportif ?

S’il est conseillé de cesser toute activité sportive pendant la phase aigüe, certains sports peuvent être repris rapidement sous réserve qu’ils ne provoquent aucune douleur. C’est le cas de la natation et du vélo.  Deux sports portés largement recommandés dans la plupart des protocoles de rééducation.

Pour la reprise des activités en charge comme la course à pied elle sera progressive après une période sans douleur à évaluer avec votre médecin. J’insiste sur le côté progressif ! Car il vous suffira d’un footing de trop pour repartir à zéro avec votre amie la fracture.  Même consolidée la zone cicatricielle reste fragile et ne doit pas être sur-sollicitée. L’augmentation de charge doit être de 10% par semaine en moyenne.

Mais on en tire quoi de positif de cette expérience ?!

Une mise au repos c’est frustrant. Mais c’est aussi un RDV avec votre patience… Et une rencontre avec vous-même. Une blessure permet toujours de se remettre en question, de revoir sa façon de s’entrainer, et d’évoluer vers une meilleure connaissance de soi pour être plus à l’écoute de son corps.

Et puis profitez de ce repos forcé pour faire toute les choses que vous n’avez pas le temps de faire d’habitude (lire, dormir, écrire, balader, cuisiner, peindre, apprendre à jouer d’un instrument,voir vos amis, votre famille, réfléchir à de nouveaux projets…) ! Inutile de vous morfondre, votre blessure ne guérira pas plus vite. Alors gardez la pêche !

Sportivement, Alexia