C‘est parti ! Entrons dans le vif du sujet… Les troubles digestifs du sportif ! Je suis sûre que vous voyez très bien de quoi je parle… 🙂 Parait-il qu’être plus léger permet de courir plus vite… Ces troubles digestifs qui au-delà des douleurs qu’ils procurent peuvent aussi nous alléger par différents canaux d’évacuation ne sont pas si favorables à de meilleurs performances 🙂 Les coureurs à pied pratiquant l’endurance sont les plus touchés. La réussite d’un marathonien ou d’un triathlète ne tient pas qu’à son expertise de la course ou à ses capacités physiques… Sans un tube digestif en pleine forme l’athlète peut être sujet à d’importantes défaillances ou contre-performances. A y regarder de plus près nombreux sont les sportifs affectés et les solutions efficaces sont difficiles à trouver. Faisons un petit tour d’horizon sur le sujet pour mieux comprendre ce qui se passe au niveau digestif lors d’un effort et puiser par-ci par-là quelques conseils et astuces utiles.
La complexité de l’organe intestinal
On peut penser que l’intestin est avant tout une simple membrane qui reçoit le bol alimentaire et gère le passage des nutriments et micronutriments du tube digestif vers le sang. Une sorte de filtre, une surface d’échanges relativement importante du fait de son anatomie, une barrière qui ne laisse passer que ce dont l’organisme a besoin et rejette le reste. On s’en tiendrait alors à un rôle plutôt simpliste de l’intestin.

Il ne faut pas oublier que l’intestin est colonisé par une quantité incroyable de bactéries et levures que l’on appelle le microbiote. Ce microbiote influence la digestion du bol alimentaire, l’état inflammatoire du tube digestif, la perméabilité intestinale, la qualité du système immunitaire… La façon dont on le « nourrit » peut prévenir ou au contraire provoquer/amplifier/entretenir une inflammation intestinale qui fragilise la muqueuse intestinale et la rend plus perméable. Une étude récente par exemple vient de montrer qu’un édulcorant (sucralose) était responsable d’un dysfonctionnement du microbiote provoquant une réponse immunitaire et inflammatoire pouvant mener à une décompensation de la maladie de Crohn.
On retrouve aussi un grand nombre de cellules de l’immunité au niveau de l’intestin. Ce qui semble normal puisqu’en mangeant nous mettons en contact des éléments « étrangers » avec notre « intérieur ». Le système immunitaire est donc renforcé au niveau des zones d’échanges afin de ne laisser passer du tube digestif vers le sang que les molécules tolérées par l’organisme et de neutraliser le reste. Une altération intestinale impacte donc les processus immunitaires et c’est pourquoi il est possible de faire un lien entre les perturbations digestives et les problèmes d’immunité du sportif. D’ailleurs, après l’effort on parle de la fenêtre métabolique, période de quelques heures propice à l’assimilation de glucides, protéines et minéraux. Mais il y a également une fenêtre de l’immunité ou open-window, période pendant laquelle nous sommes plus vulnérables car nos défenses sont moins efficaces.
Si pour une raison ou une autre la muqueuse digestive se trouve dans un état pro-inflammatoire, l’inflammation peut être responsable de douleurs et troubles du transit mais pas que. Elle peut aboutir à une augmentation de la perméabilité intestinale, et c’est alors que certaines molécules vont passer dans le sang alors qu’en temps normal elles seraient filtrées. C’est ce qui se passe par exemple pour le gluten ou les protéines de lait animal qui sont de grosses molécules qui normalement ne sont pas absorbées et qui du fait d’une perméabilité intestinale accrue vont se retrouver dans le sang. Elles sont alors reconnues comme « étrangères » ce qui peut activer l’immunité (production d’anticorps) et favoriser un processus inflammatoire local ou systémique. Dans le cas de peptides non antigénique, trop petits pour stimuler le système immunitaire, ils peuvent provoquer des symptômes d’encrassage. Les toxines bactériennes ou résidus bactériens peuvent également passer la barrière intestinale poreuse. Les manifestations sont très variées: troubles digestifs, fatigue chronique, douleurs articulaires, migraines, endotoxinose… (C’est une parenthèse car il s‘agit là d’un tout autre sujet mais voyez à quel point le tube digestif a un rôle complexe et important).
De façon générale, il faut retenir que différents facteurs peuvent perturber le bon fonctionnement de la muqueuse digestive : contraintes mécaniques, troubles physiologiques ou métaboliques, alimentation déséquilibrée, dysfonctionnement immunitaire, dysbiose, stress, infection, médicaments…
Les origines des troubles digestifs
Si votre intestin est en bonne santé car vous en prenez soin toute l’année vous êtes mieux armés contre tout dysfonctionnement. Quand on s’intéresse au sportif avec des intestins « sains », les troubles digestifs peuvent venir de choix alimentaires inappropriés, d’un mauvais timing dans les apports, de paramètres anatomiques ou physiologiques de la muqueuse intestinale, des spécificités de la course à pied… Nombreux sont les paramètres à prendre en compte et différentes hypothèses ont été avancées.
-Ralentissement de la vidange gastrique
Lors d’un effort la digestion n’est pas une priorité de l’organisme qui s’affaire à nourrir les muscles et assurer un bon métabolisme énergétique. De fait ce qui est dans votre estomac au moment de l’effort reste dans votre estomac un peu plus longtemps que prévu… Sensation désagréable de pesanteur, nausées, reflux acides, vomissements en sont les conséquences. Cela sera amplifié par la consommation de boissons hypertoniques, l’ingestion de trop grandes quantités de liquides souvent mal répartis dans la durée…
-Le contrôle du système nerveux végétatif
Le système digestif est sous le contrôle du système nerveux végétatif, c’est-à-dire qu’il est automatiquement régulé sans action consciente de notre part. En cas de stress, d’émotion forte… le système sympathique est stimulé et le transit intestinal peut être accéléré, précipitant le contenu du tube digestif à l’extérieur…
-Ischémie digestive à l’effort
Lors d’un effort, les muscles mis à contribution nécessitent un apport sanguin augmenté pour optimiser l’apport en oxygène, glucose… L’afflux sanguin au niveau des muscles va donc augmenter au dépend de certains territoires anatomiques comme le tube digestif. Cette redistribution est responsable d’un moindre afflux sanguin au niveau intestinal pouvant aller jusqu’à une baisse de 70% à 90% par rapport à la situation au repos. Plus l’effort est important, plus la diminution sera grande et l’intestin ne peut plus assurer son bon fonctionnement, les cellules mal « nourries » peuvent aller jusqu’à la nécrose. L’absorption de certains nutriments ne se fait plus correctement, l’eau est retenue au niveau du colon, pouvant mener à des douleurs et diarrhées…
Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent diminuer l’afflux sanguin au niveau intestinal. C’est par exemple le cas d’une forte chaleur que l’athlète va compenser en augmentant la distribution du sang au niveau de la peau pour favoriser l’élimination de la chaleur produite à l’effort et éviter la surchauffe. Il en va de même avec la déshydratation qui conduit à une diminution du volume plasmatique et donc à une moindre irrigation des organes dont les viscères.
-Reperfusion intestinale post effort
A l’arrêt de l’effort la vascularisation des viscères augmente brutalement. Cela peut provoquer un stress oxydant important sur des cellules lésées par la période d’ischémie. Cette reperfusion peut être responsable de douleurs intestinales et autres troubles digestifs.
-Sécrétion d’hormones digestives
Au cours d’un effort longue durée des hormones sont sécrétées et accélèrent le transit en provoquant des contractions du colon et une augmentation des sécrétions digestives.
-Difficultés à s’hydrater correctement en course à pied :
Ajouté à ces facteurs extérieurs, la qualité de l’effort produit joue un rôle important. La course à pied est un effort continu qui n’autorise pas de pause. L’afflux sanguin est donc en permanence redirigé vers les muscles et il est difficile de maintenir une hydratation optimale pour prévenir la baisse du volume plasmatique et d’éventuels troubles digestifs. En effet, boire d’importantes quantités d’eau peut très vite mener à un inconfort poussant l’athlète à se contenter de boire de petites quantités qui s’avèrent insuffisantes.
-Course à pied et ondes de choc répétées :
En course à pied, contrairement à des sports d’endurance continue comme le vélo ou le ski de fond par exemple, chaque contact du pied au sol créé une onde de choc qui peut venir perturber le fonctionnement du tube digestif. Alors si on commence à cumuler la durée de l’effort, l’intensité, les températures élevées, une mauvaise hydratation… Ça fait beaucoup !
-Hyperperméabilité intestinale :
In fine, lors d’un effort physique, d’autant plus s’il est intense, l’agression subie par la muqueuse intestinale est telle qu’il en résulte l’apparition d’une rupture de son étanchéité avec une perméabilité accrue. La porte ouverte aux pathogènes, antigènes, toxines…

-Alimentation non adaptée
Un repas trop riche, des résidus glucidiques qui fermentent, des aliments acides, une prise alimentaire trop proche de l’effort, certains aliments mal tolérés… sont autant de facteurs qui peuvent mener à des troubles digestifs.
Prise en charge des troubles digestifs
Nausées, vomissements, douleurs intestinales, diarrhées, ballonnements, éructations…sont autant de manifestations possibles qui peuvent survenir à l’entrainement, en compétition mais aussi au repos ou de façon chronique. La prise en charge de ces troubles peut passer entre autres par une stratégie diététique pour éviter dans un premier temps les habitudes défavorables.
De nombreuses études, dont une spécifiquement réalisée chez des triathlètes longue distance (Rehrer et al. Int J Sports Nutr 1992, ont permis d’identifier les erreurs fréquentes du triathlète et de lister un certain nombre de conseils :
- Le dernier repas avant la course doit avoir lieu au moins 3h avant le départ.
- Pour ce dernier repas, éviter les apports lipidiques (fromage, pâte d’amande, beurre, croisant, …) qui ralentissent la digestion et pèsent sur l’estomac. Il en va de même avec les protéines qui ne sont pas très digestes (sauf à prendre directement des hydrolysats ou acides aminés) et qui contiennent du lactose pour les protéines de lait animal (possibilité de fermentation occasionnant des diarrhées à l’effort). Les fibres doivent aussi être évitées car peu digestes et irritantes (fruits, légumes crus, fruits secs, céréales complètes).
- Vigilance sur la consommation de café avant l’effort. La caféine stimule les sécrétions gastriques et le péristaltisme et favorise la survenue de troubles digestifs. Par ailleurs elle met le corps en état d’alerte (fréquence cardiaque augmentée, métabolisme accru…avant même d’avoir débuté l’effort) ce qui peut être nuisible à la performance, contrairement à sa consommation au cours de l’effort où elle optimise les réactions du métabolisme énergétique.
- Si une collation est prise 30 minutes à 1 heure avant le départ, elle doit être digeste et principalement constituée de glucides. Vigilance la aussi avec les glucides à Index Glycémique élevé qui peuvent provoquer une hypoglycémie réactionnelle contre-productive. Des apports glucidiques à IG bas favoriseront une assimilation continue et longue durée du glucose.
- Eviter les boissons hypertoniques ou gels trop concentrés. Trop concentrés en sucre et pas suffisamment en sodium ils favorisent la survenue de troubles digestifs. Préférer les boissons isotoniques associant différents sucres (en évitant les quantités importantes de fructose).

- Bien boire tout au long de la course, par petites quantité pour ne pas surcharger l’estomac. La prévention préconise des boissons diluées dès le début de l’effort et régulièrement (2-3 gorgées toutes les 10 minutes). Les capacités d’absorption variant d’un sujet à l’autre chacun doit se tester avant les compétitions afin de savoir quel rythme et quelle quantité adopter. Ne pas boire d’eau froide.
- Pour la course à pied limiter les aliments solides.
Quelques compléments utiles dans la trousse à pharmacie du coureur longue distance :
Au-delà des habitudes diététiques il y a d’autres astuces. Vous pouvez déjà essayer d’améliorer la dilatation des capillaires sanguins pour contre balancer la diminution de l’afflux au niveau digestif. Cela peut passer par la consommation d’aliments ou compléments riches en nitrates qui sont métabolisés en oxyde nitrique qui favorise la dilation des vaisseaux au niveau digestif (citrulline, ou tout simplement un bon jus de betterave !), mais aussi au niveau musculaire pouvant améliorer les performances physiques.
La Vitamine E pendant les 2 semaines avant la course pourrait aider à diminuer les douleurs intestinales (pas le transit accéléré). La prise de pansements digestifs coliques la veille et le jour de la compétition permet d’atténuer ces troubles handicapants. Il est également possible d’avaler un comprimé d’Imodium juste avant la course. Attention à éviter la prise d’anti-inflammatoires ou d’aspirine qui sont agressifs avec la muqueuse digestive et peuvent favoriser la survenue de troubles intestinaux.
N’oubliez pas des mesures simples et quotidiennes comme des phases de détoxification en amont de la saison sportive, une cure de probiotiques pour favoriser l’équilibre intestinal, l’utilisation d’épices vertueuses au niveau digestif comme le curcuma ou le gingembre, le maintien d’un bon équilibre acido-basique dans vos rations alimentaires…
Il peut être utile de réaliser un bilan nutritionnel pour déceler d’éventuelles carences ou erreurs alimentaires, dépister des intolérances au lactose ou au gluten…
Lancez-vous dans la préparation de vos propres boissons énergétiques, de récupérations, vos collations… Tout cela afin de favoriser une bonne hygiène alimentaire favorable à la santé de vos intestins.
Si le stress d’avant course est important, la sophrologie peut être une alternative intéressante pour limiter ce stress et ses effets néfastes au niveau digestif. Au cours de la course il est aussi possible de diminuer l’intensité de l’effort pour favoriser la perfusion digestive temporairement.

Chaque athlète présentant ses propres spécificités et sa sensibilité, la conduite à tenir sera bien entendu individualisée. Il convient à chacun de trouver sa/ses solutions pour une meilleure régulation du transit à l’effort. La gestion des troubles digestifs réside principalement dans une alimentation adaptée et équilibrée ainsi qu’une hydratation optimale. Et au même titre que vous allez tester vos nouvelles chaussures de course, il faudra aussi tester vos nouvelles mesures diététiques pour être prêt le jour de la course !
A vos baskets… Prêt… Digérez ! Mais pas trop vite quand même 🙂 !
Alexia