Ah ce gluten ! Voilà quelques années qu’il fait parler de lui ! Vous avez tous entendu parler de la maladie cœliaque et de l’allergie au blé. Et bien que, ne répondant pas aux critères de ces deux situations pathologiques, certaines personnes présentent malgré tout des signes digestifs et extra digestifs liés à la consommation de gluten avec une régression des symptômes quand le gluten est exclu de l’alimentation. Que se passe-t-il chez ces personnes ni cœliaques, ni allergiques mais pour autant sensibles au gluten ?

L’intolérance au gluten non cœliaque… ça vous parle ? Faisons un petit tour des données disponibles pour une meilleure compréhension de cette notion grandissante et des mécanismes sous-jacents mis en jeu. 

Le gluten en quelques mots

Il s’agit d’une protéine élastique et visqueuse (gluten = glue = colle) qui se trouve dans les grains de plusieurs céréales dont le blé, l’orge, le seigle. Il donne sa texture au pain et autres produits de boulangerie et permet aux ingrédients de bien se lier. Selon les céréales, la fraction protéique du gluten responsable d’une réaction immunitaire est différente. Dans le blé c’est la gliadine, dans l’orge c’est l’hordénine, et dans le seigle la sécaline.

La maladie cœliaque

Bien que les rayons des supermarchés foisonnent de produits sans gluten, le nombre de personnes atteintes de maladie cœliaque et nécessitant une exclusion totale du gluten alimentaire reste faible.

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune liée à une ou plusieurs fractions protéiques du gluten. Chez les personnes atteintes de la maladie cœliaque, l’ingestion de gluten entraîne une réaction immunitaire anormale responsable d’une inflammation et d’une atrophie de la muqueuse digestive. Il en résulte un défaut d’absorption de la majeure partie des nutriments, des vitamines et des minéraux, notamment le calcium, le Fer et la vitamine B9.

Le diagnostic de maladie cœliaque repose sur un ensemble de symptômes digestifs (douleurs, diarrhées, ballonnements…) et extradigestifs (fatigue, dépression, douleurs articulaires…). La confirmation du diagnostic se fait principalement grâce à trois critères :

  • Un dosage sanguin d’anticorps spécifiques : les IgA anti-transglutaminases tissulaires
  • Une biopsie de la muqueuse digestive permettant d’évaluer le degré de l’atteinte histologique
  • L’évaluation des bénéfices d’un régime sans gluten.

Lorsque l’on est atteint d’une maladie cœliaque un suivi médical est nécessaire car il existe un risque de complications (malnutrition, intolérance au lactose, anémie, ostéoporose, neuropathie, infertilité, dermatite herpétiforme…) et de développement d’autres maladies auto-immunes graves.

Mais alors si seulement 1% de la population se trouve être vraiment cœliaque, pourquoi une majorité de personnes expriment des signes digestifs et extra digestifs qui se trouvent être soulagés par un régime sans gluten ? Qui sont ces intolérants ?

S’orienter vers le diagnostic d’intolérance au gluten non cœliaque

Intolérance au gluten non cœliaque, maladie cœliaque et allergie au blé… Ces trois maladies présentent des symptômes analogues qui prêtent à confusion. Pourtant, on peut les différencier !

  • Par la chronologie des symptômes et donc la pathogénèse : La maladie coeliaque est une entéropathie auto-immune déclenchée par l’ingestion de gluten. L’allergie au blé est une réaction immédiate allergique aux composants du blé.
  • Par la gravité des symptômes : En général les personnes souffrant de sensibilité au gluten non cœliaque  présentent des symptômes analogues à ceux de la maladie cœliaque après consommation de blé ou de gluten mais de moindre ampleur.
  • Par des marqueurs biologiques : Il n’y a que dans la maladie cœliaque que l’on retrouve des  anticorps anti-transglutaminases tissulaires et de réelles modifications histologiques de la muqueuse de l’intestin grêle.

Chez l’intolérant au gluten non cœliaque pas d’anticorps anti-transglutaminases, une biopsie digestive souvent normale, pas de problème de perméabilité digestive ou de malabsorption, mais pourtant un ensemble de symptômes digestifs et extra digestifs liés à l’ingestion de gluten et qui régressent avec un régime d’éviction.

  • Troubles digestifs : ballonnements, diarrhées, alternance constipation/diarrhées, douleurs abdominales…
  • Manifestations extra-digestives : fatigue, migraine, douleurs articulaires et musculaires, eczéma, anxiété…
  • +/- maladie auto-immune associée (spondylarthrite, thyroïdite…)…

Si le tableau clinique peut s’apparenter à celui d’une maladie cœliaque, aucun élément diagnostic ne permet d’étiqueter ces patients comme allergiques au gluten ou aux protéines de blé, et les mécanismes fonctionnels et immunitaires sous-jacents semblent différents.

L’intolérance au gluten non cœliaque et ses manifestations extra digestives ?

Les mécanismes exacts de cette sensibilité étant encore mal compris la littérature fait surtout état de constats, de tableaux cliniques fréquents, de possibles liens avec d’autres pathologies… Une revue récente portant sur 86 études sur l’intolérance au gluten non cœliaque a permis de mettre en évidence un tableau clinique assez caractéristique, le lien possible avec des maladies auto-immunes, la présence de manifestations neurologiques ou d’atteintes rhumatologiques ou encore de troubles fonctionnels comme la fibromyalgie.

  • Maladies auto-immunes => Jusqu’à 30% des intolérants au gluten non cœliaque présentent aussi une maladie auto-immune. Plusieurs études argumentent le lien entre spondylarthrite et intolérance au gluten non cœliaque avec des bénéfices d’un régime sans gluten sur la diminution des douleurs.
  • Atteintes neurologiques => Comme dans la maladie cœliaque on retrouve des neuropathies périphériques, ataxies, encéphalopathies.
  • Symptômes cutanés => Des dermatites, rashs, eczéma ou encore des lésions psoriasiformes ont été observés.
  • Fibromyalgie => Il n’est pas rare que les patients atteints d’intolérance au gluten non cœliaque souffrent de douleurs chroniques musculaires et articulaires, de migraine ou encore de fatigue. Autant de symptômes caractéristiques d’une fibromyalgie. Et là encore plusieurs études rapportent les bénéfices d’une alimentation sans gluten sur la diminution des symptômes.

Les données de la littérature sur ces manifestations extradigestives de l’intolérance au gluten non cœliaque suggèrent un mécanisme d’action systémique tout comme dans la maladie cœliaque. Il s’agirait d’une stimulation sélective de l’immunité innée provoquant une réponse immunitaire et inflammatoire systémique. L’intolérance au gluten non cœliaque pourrait donc être abordée comme une maladie immunitaire.

Blé et immunité

L’intolérance au gluten non cœliaque n‘est ni une réaction auto-immune comme dans la maladie cœliaque ni une réaction allergique comme dans l‘allergie au  blé. Des mécanismes immunologiques sont toutefois suspectés et une prédisposition pourrait favoriser la survenue d’une intolérance. Il a été noté qu’une augmentation de l’expression des récepteurs TL-4 (TLR4) pourrait être en lien avec un dysfonctionnement de la réponse immunitaire innée  au gluten ou à des substances associées au gluten dans le blé. On observe aussi une réduction considérable de la molécule FoxP3 qui est un marqueur essentiel des lymphocytes T régulateurs jouant un rôle clé dans le maintien de l’équilibre immunitaire.

Il n’y a pas que le gluten qui pose problème dans le blé

Faire porter au gluten toute la responsabilité des mécanismes en jeu dans  les cas d’une intolérance ne permet pas d’expliquer l’intégralité de la physiopathologie. Différents constituants du blé seraient susceptibles, chez des sujets prédisposés, de stimuler des mécanismes immunitaires aboutissant aux diverses manifestations systémiques retrouvées lors d’une intolérance au gluten non cœliaque.

D’autres composants du blé sont donc considérés et des recherches sont actuellement menées sur les inhibiteurs de l’amylase/trypsine (ATI), des molécules présentent dans le blé et qui le protège contre les insectes. Les ATI pourraient être des facteurs déclencheurs de la réaction immunitaire.

Les FODMAPs sont aussi passés à la loupe car ces sucres fermentescibles retrouvés dans le blé pourraient être responsables des symptômes gastro-intestinaux décrits en cas de sensibilité au gluten non cœliaque.

Alors intolérance au gluten ? Ou intolérance au blé ? Maladie immunitaire ? Ou simple trouble fonctionnel ? Lien avec certaines maladies auto-immunes ? Comment poser un diagnostic certain ? La prise en charge alimentaire est-elle l’unique solution ? Une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents permettront surement à terme un meilleur diagnostic des patients concernés par cette intolérance au gluten non cœliaque et une meilleure prise en charge au-delà du simple régime d’éviction au gluten.

Bon appétit!

Alexia