Etre une femme n’est pas toujours chose aisée dans le milieu sportif ! S’y faire une place tout en respectant la physiologie qui est la nôtre… Voilà un bel enjeu ! Loin d’être plus fragiles que vous messieurs nous disposons d’une machinerie complexe notamment d’un point de vue hormonal qu’il convient de préserver au mieux dans le cadre d’une activité physique. Toute pratique sportive excessive non adaptée et ne respectant pas les besoins énergétiques peut avoir des conséquences néfastes à court, moyen et long terme. Les 3 signes de la Triade (« troubles menstruels », « densité minérale osseuse basse », « insuffisance des apports alimentaire ») doivent alerter et orienter vers une prise en charge adaptée. Aujourd’hui je vous propose une synthèse relative aux troubles du cycle menstruel chez la femme sportive.

Un p’tit rappel de physiologie
Commençons avec un volet scientifique… Le cycle menstruel dure en moyenne 28 jours et se déroule en 4 phases (folliculaire, ovulation, lutéale, menstruation). Il est sous le contrôle de l’axe hypothalamo-hypophysaire (AHH) qui sécrète différentes hormones aboutissant in fine à une sécrétion de LH dans le sang qui stimule les ovaires qui produiront des œstrogènes et de la progestérone pour assurer le bon déroulement de chacune des phases citées. L’hormone clé en haut de la cascade de signaux est la GnRH.
Cette GnRH est libérée de façon pulsatile sous l’influence de nombreux facteurs parmi lesquels des hormones et des peptides qui exercent une action frénatrice (adrénaline, noradrénaline, cortisol, GH, Beta endorphines, grhéline…) et d’autres qui ont une action stimulatrice (NPY…). Le stress physique ou émotionnel, l’intensité de l’entrainement, troubles alimentaires, périodes de compétitions… sont autant de facteurs qui peuvent influencer la sécrétion de GnRH.
Toute diminution de la sécrétion de GnRH aboutit à un ralentissement de cet axe et mène à une plus faible production d’hormones par les ovaires. Les troubles du cycle apparaissent alors avec dans l’ordre une insuffisance lutéale, une anovulation, des dysménorrhées et l’aménorrhée.

Quelles sont les populations les plus à risque ?
Les capacités d’adaptations de l’organisme étant largement individuelles toutes les femmes peuvent souffrir de troubles du cycle menstruel qu’elles pratiquent un sport à haut niveau ou pas. L’hypothèse la plus probante pour expliquer ces troubles serait l’existence de réserves énergétiques basses bien plus que le niveau de stress subit. Nous y reviendrons mais notons déjà que l’on peut retrouver des troubles du cycle menstruel dans :
- les sports d’endurance (course de fond, cyclisme, ski de fond, triathlon, trail…)
- les sports esthétiques (patinage, gymnastique, danse…)
- les sports ou le corps est apparent (athlétisme, natation…)
- les sports à catégorie de poids (art martiaux, lutte…)
- les sports privilégiant les poids faibles (escalade, kayak, équitation…)…

Impossible de tirer de conclusion, nous devons toutes être attentives à ces troubles. Certains profils sont plus à risque: femme perfectionniste avec des objectifs élevés, désir puissant de plaire aux autres, qui fonde sa propre valeur sur la réussite et la performance, prête à tolérer la douleur et à se sacrifier pour atteindre ses objectifs, critique à son propre égard, concentrée sur le maintien d’un ”poids idéal” et d’un niveau de masse grasse optimal, pratiquant les sports d’endurance, recevant une pression de l’entourage….
L’origine des troubles du cycle menstruel
On a tout d’abord pensé au rôle du stress tant physique que psychologique…
C’est avant tout le stress dans la pratique sportive qui a été étudié. En effet lors d’une activité physique et d’autant plus en cas de contrainte psychologique, l’organisme produit des hormones du stress (adrénaline, noradrénaline, cortisol…). Nous avons vu qu’elles pouvaient avoir un effet freinateur sur l’AHH et aboutir à un ralentissement de la production hormonale. Toutefois des phénomènes d’adaptation se mettent en place et l’organisme devient plus apte à se protéger des effets délétères liés à cette surproduction hormonale. L’activité physique et l’intensité à laquelle elle est pratiquée n’explique donc pas tout. Les médecins ont alors étudié d’autres pistes pour identifier les facteurs qui pouvaient expliquer l’apparition de troubles menstruels.
Le statut énergétique à la base du déséquilibre…
Le point commun à toutes les femmes souffrant de troubles du cycle menstruel est une masse grasse faible. On retrouve chez les patientes un schéma alimentaire pauvre en calories et pauvre en lipides, et globalement des apports énergétiques insuffisants par rapport à la dépense énergétique liée à l’activité physique. Au-delà de la restriction calorique pure et la perte de masse grasse, le déficit en lipides pose problème, notamment quand les apports sont inférieurs à 20% de l’apport énergétique total.
La disponibilité énergétique est la différence entre les apports et les dépenses énergétiques. Elle doit être au minimum de 30 kcal/kg de masse maigre(MM) soit environ 1350 kcal/j pour une sportive de 60 kg (dont 45 kg de MM) pour une fonction ovarienne normale. Si les apports sont inadéquats, un signal est envoyé au niveau central pour alerter d’une disponibilité énergétique de plus en plus faible. L’intégration de ce signal par le cerveau aboutit à des modifications de l’AHH dans le sens d’un ralentissement. Une sorte de mise au repos de certaines fonctions en présence de réserves énergétiques critiques.
Les perturbations du cycle menstruel ne sont pas sans conséquences
Il existe un continuum entre la sévérité des troubles du cycle menstruel et l’importance des ajustements métaboliques, hormonaux et énergétiques. Cette baisse de sécrétion hormonale se traduit entre autre par :
- Une baisse de la fécondité, pouvant aller jusqu’à l’infertilité. Un phénomène réversible par une diminution ou un arrêt des entrainements.
- Une augmentation du turn-over osseux en faveur d’une baisse de la densité minérale osseuse. Cela peut aboutir à une fragilisation de la trame osseuse avec risque accru de fracture de fatigue ou encore survenue d’une ostéoporose précoce.
- Une modification du bilan lipidique avec augmentation des LDL et du cholestérol et diminution des HDL, soit pro-athérogène. En parallèle une diminution de la production de NO provoque une moindre dilatation des vaisseaux et une baisse des capacités musculaires.
Il est donc important de prévenir ces troubles et de les prendre en charge le plus rapidement possible pour éviter toute situation irréversible qui pourrait par ailleurs entraver la pratique sportive (risque de blessure, moindre performance, troubles cardiovasculaires…).

Quelle prise en charge pour les troubles du cycle menstruel ?
En général il s’agit d’une prise en charge pluridisciplinaire : gynéco, endocrino, médecin du sport, nutritionniste…
Comme bien souvent la prévention reste de mise ! Education des parents, des entraineurs et des athlètes, rappeler l’importance d’une alimentation équilibrée pour l’amélioration des performances sportives, la récupération, la diminution du risque de blessure, mettre l’accent sur les bons réflexes qui priment sur le poids ou l’esthétique, repérer les signes avant-coureurs (fractures répétées…). C’est l’équilibre entre la performance et la santé qui prime.
Il est important d’expliquer clairement quels sont les risques encourus en cas de complications afin de responsabiliser la patiente et de lui faire prendre conscience de l’enjeu tant pour sa santé que pour sa pratique sportive à court et long terme.
Un rééquilibrage alimentaire sera de mise avec une augmentation des apports caloriques suffisants pour la couverture optimale des besoins et une augmentation de la part des lipides. L’objectif étant de reprendre quelques kilos. Il a été prouvé que 2 à 3 kilos peuvent suffire pour un retour des cycles. S’il existe des déficits ciblés en vitamines, minéraux, oligo-éléments, une complémentation pourra être envisagée. On pense au calcium en cas de troubles osseux, au potassium en cas de vomissements répétés, à la vitamine D, aux oméga-3…

En parallèle une réduction du volume d’entrainement permettra de favoriser un retour à l’équilibre.
Pour les patientes refusant de modifier leur schéma alimentaire la prise de pilule contraceptive ou de traitements hormonaux chez les athlètes n’est pas recommandée et il est préférable de restaurer les cycles de façon naturelle. Attention par ailleurs à l’utilisation de la pilule pour d’autres motifs : régulariser ou décaler les cycles pour ne pas avoir de règles durant la compétition, diminuer les pertes de sang pour minimiser les risques d’anémie, éviter la dysménorrhée (douleur), corriger le syndrome prémenstruel qui abaisserait le niveau de performance…
Dans les alternatives naturelles la sauge a des effets oestrogéniques mais à ce jour pas de recommandation dans ce cadre-là.
Si la patiente présente des troubles du comportement alimentaire, un suivi psychologique peut s’avérer intéressant. De plus en plus de professionnels de santé sont formés (médecins, diététiciens, sophrologues…).
Chez la sportive, les enjeux d’une prise en charge des troubles du cycle sont doubles avec un objectif de bonne santé et de performance sportive. La restauration d’un équilibre énergétique et des cycles menstruels est une priorité du fait des effets délétères sur le métabolisme en particulier osseux, d’autant plus qu’il s’agit le plus souvent d’une population jeune.
Alors prenons soin de notre corps et de sa physiologie et… n’oublions pas la place importante de l’alimentation dans la pratique sportive! Et puis que peut-il nous arriver à bien manger? Hein?

Sur cette pointe d’humour je vous souhaite une bonne lecture!
Alexia