Quel que soit notre niveau d’activité physique les blessures en course à pied sont monnaie courante. Et pour une même blessure la prise en charge peut être très variable en fonction du personnel médical qui nous accompagne. Toutefois, une chose est sûre, un passage chez le kiné s’impose afin de pouvoir identifier au mieux les causes possibles de la blessure, la traiter si besoin mais surtout ajuster certains gestes, certaines habitudes, qui à la longue peuvent fragiliser tout un équilibre (postural, musculaire…) et mener à la blessure ou à la répétition de celle-ci. Aujourd’hui nous faisons le tour du sujet avec Philippe, kinésithérapeute au cabinet Physiosteo à Compiègne.
La blessure en course à pied :
L’idée n’est pas là de passer en revue l’ensemble des blessures du coureur. Elles sont nombreuses : tendinopathies, syndrome rotulien, syndrome de l’essuie-glace, fractures de fatigue, aponévrosite plantaire, blessures musculaires… Notons toutefois qu’elles présentent souvent quelques points communs et que l’on retrouve fréquemment un antécédent de « surcharge ». Une surcharge qui pousse le corps vers un état de déséquilibre, qui le fragilise, et le mène à se désadapter. Quand la contrainte n’est plus gérable par l’organisme, c’est la blessure.
Alors à chaque blessure sa prise en charge… Mais dans chaque cas il est important d’identifier les facteurs qui ont pu mener à la blessure en analysant, notamment, la technique de course. En passant la technique de course au peigne fin et en l’améliorant, cela permet de diminuer les contraintes mécaniques appliquées au corps et de rendre le geste de course plus efficient.
Quelques questions à se poser avant toute prise en charge
Chaque situation est différente mais l’idéal est de ne pas mettre le sportif en arrêt total d’activité. L’objectif est d’éviter toute désadaptation et donc de maintenir un certain niveau d’exercice qui limitera la fonte de la masse musculaire et favorisera les processus de cicatrisation/réparation. Si la blessure le permet il est possible de maintenir les activités physiques non douloureuses (vélo, natation, yoga…) et de travailler sous le seuil de la douleur en course à pied. Continuer de faire du sport sera bénéfique au corps et à l’esprit et évitera la frustration imposée au sportif arrêté.

Quelques points clés sur la technique de course
Les blessures peuvent être favorisées par une foulée non adaptée. Il convient donc de voir comment court le patient avant de l’inciter à reprendre ses entrainements. Ce travail peut être réalisé avec le kiné qui se fera un plaisir de courir avec vous quelques minutes pour voir ce qui peut être amélioré concernant votre foulée. Considérez que c’est le traitement de fond qui, en agissant à la source, limitera par la suite les complications.

Voici quelques conseils généraux pour un coureur blessé :
- Limiter l’attaque talon et rechercher un appuie médio-pied
Chaque coureur présente sa propre tendance à attaquer à l’avant ou à l’arrière du pied. L’attaque talon peut être favorisée par la chaussure de course (on y revient plus loin !) et la dégradation de la foulée avec la fatigue. Celle-ci augmente les contraintes mécaniques au niveau des talons avec une répercussion au niveau des genoux, des hanches et du dos.
- Placer le point d’appui au sol au-dessus de centre de gravité du corps
Afin de diminuer les contraintes mécaniques et d’améliorer l’efficacité de votre foulée, il est préférable de placer le pied à la projection de votre centre de gravité. Dans ce cas, au lieu de générer une forte onde de choc qui se propage dans toute la jambe, jusque dans le dos, la force d’impact va être amortie par les articulations (cheville, genou, hanche) et les groupes musculaires associés. Ces parties du corps ont une élasticité qui leur permet d’encaisser cette force d’impact (moins de blessures) et de la réutiliser dans la phase de propulsion (foulée plus dynamique).

- Limiter le déplacement vertical du corps
- Augmenter la fréquence de course
La fréquence de course d’un coureur loisir se situe autour de 140 pas/minute. L’idéal étant situé entre 170 et 180 pas/minute. L’augmentation de fréquence diminue le déplacement vertical et favorise un appui médio pied placé sous le centre de gravité du corps. La fréquence de course semble donc une clé intéressante pour diminuer le risque de blessure.
A noter que nous pouvons courir à 10km/h comme à 16km/h avec la même fréquence de course (c’est la vitesse qui change !).
- Faire moins de bruit
Cela implique aussi de diminuer le déplacement vertical et d’augmenter la fréquence. Une petite astuce donc à garder à l’esprit lors d’un entrainement. Quand la fatigue s’installe la foulée a tendance à s’allonger, la fréquence diminue, le pas devient plus lourd et l’impact au sol plus fort. Le retour à la bonne fréquence pourra réguler tous ces paramètres.
Cet ensemble de conseils vous permettra déjà de revoir un peu votre façon de courir afin de réajuster votre foulée pour la rendre plus efficace et moins contraignante pour le corps. Mais rien n’est jamais acquis ! Cela prendra du temps d’acquérir les bons réflexes. Alors on insiste !
Et toi t’es bien dans tes pompes ?!

Il est important d’avoir une bonne paire de chaussures. Mais à chacun sa paire! Trouvez celle qui vous correspond et évitez de succomber aux modes qui passent et changent d’année en année (technologie de semelle, drop zéro, minimalisme, semelle très épaisse…). L’idéal est de profiter de vos sorties avec votre partenaire de choc qui permettra à votre foulée d’exprimer tout son potentiel dans un état d’équilibre optimal pour éviter la blessure.
En course à pied classique on va rechercher une chaussure dans laquelle on se sent bien et qui respecte notre nature. Elle doit être légère, flexible, présenter peu d’amorti (à adapter au sol), avoir un drop modéré et il faudra trancher selon vos besoins sur la nature universelle, pronatrice ou supinatrice de la chaussure. Dans le cas du trail, on y ajoute de la stabilité et du grip sous la semelle.
La mode du minimalisme : que pensent les spécialistes quand vous leur dites que vous êtes à plat… ?!
Avant tout si vous êtes bien dans vos chaussures et que vous n’êtes pas à la recherche de quelques secondes de plus pour remporter le podium de votre carrière, il n’y a pas de raison de changer ce que vous avez aux pieds. Disons que le minimalisme est à la chaussure ce que le régime paléolithique est à la nutrition. Revenir aux habitudes de nos ancêtres ? Pourquoi pas dans certains cas mais pas systématiquement, ni en occultant les risques.
La chaussure minimaliste répond à plusieurs critères : légèreté, flexibilité, drop faible, peu d’amorti, peu de technologies dans la semelle, pas de compensation pronatrice ou supinatrice. Il existe un index minimalistes (en %) qui note les chaussures. Plus l’index est élevé, plus la chaussure est minimaliste. (Pour plus d’informations, lacliniqueducoureur.com)
En cas de blessure aux genoux, hanches, dos, ou en cas de manque de performance ou de sensation, le choix d’une chaussure qui tend vers le minimalisme peut être intéressant. En effet cela influence la biomécanique du coureur qui adopte une foulée plus « naturelle » assurant une biomécanique élastique et dynamique tout en se préservant des chocs.
Mais attention, une chaussure très minimaliste augmente significativement les contraintes mécaniques au niveau des os du pied, du fascia plantaire et du tendon d’Achille. Elle n’est donc pas adaptée à tout le monde.
Dans tous les cas, il faudra respecter une grande progressivité dans votre changement de chaussures vers le minimalisme. Votre organisme aura besoin d’une période d’adaptation plus ou moins longue en fonction de votre équipement actuel, de votre âge, de votre morphologie et de votre pratique. Pensez à être bien accompagné par un spécialiste de la course à pied !
Et quand la technique de course n’est pas en cause ?!
Si la foulée ne semble pas poser problème il y a un tas d’autres paramètres à considérer pour expliquer la blessure. Ces paramètres devraient d’ailleurs être systématiquement évalués dans toute prise en charge. On peut s’attarder sur la charge de travail, l’intensité, les périodes de récupération/repos, l’historique des blessures, la progressivité, les changements récents de terrain ou de matériel, l’alimentation, les contraintes extérieures qui fatiguent l’organisme, des sources de stress mal gérées… C’est en cela que chaque prise en charge est individuelle et qu’il est important d’être suivi par un professionnel de santé compétent.

On résume !
La technique de course à pied est essentielle si vous souhaitez profiter pleinement et durablement de vos entrainements. Il existe un tas de petits réflexes à adopter qui peuvent vous permettre d’éviter de vous blesser et de gagner en efficience. Pour ce qui est de la bonne chaussure, n’oublions pas ce qui suit : « l’homme est fait pour courir, l’erreur serait de croire que c’est la chaussure qui va diminuer l’onde de choc qui se répercute sur le corps. C’est au coureur à pied de perfectionner sa technique afin d’obtenir une biomécanique de course plus fonctionnelle. »
Alors au boulot !
Bien sportivement
Philippe