Il y a quelques mois j’étais épuisée et bien incapable de poursuivre assidûment mes entrainements… Après une période de repos relatif et quelques investigations je découvrais que j’étais carencée en Fer et anémiée. Ravie d’avoir découvert la cause de ma fatigue j’avais donc débuté une supplémentation en Fer et j’en avais même profité pour rédiger un article sur le sujet car les carences en Fer sont fréquentes chez le sportif et surtout chez les sportives ! Quelques mois plus tard je constate la persistance de signes cliniques inexpliqués (fatigue, mauvaise récupération, chute de cheveux…) et des réserves de Fer toujours critiques. Et c’est hier que j’ai découvert une des causes possibles à mon problème… !
Mon estomac est habité par une bactérie !

Et pas n’importe laquelle ! Une bactérie au nom plutôt fun : Hélicobacter pylori. Dit comme ça on pense à une bactérie volante en forme d’hélicoptère. Mais en réalité c’est une bactérie dont vous ne soupçonnerez même pas la présence dans votre estomac et qui possède entre autres le fabuleux pouvoir de diminuer l’absorption du Fer alimentaire ! Eclairage sur cette bactérie que nous qualifierons pour les triathlètes d’Iron Bactérie 🙂
Helicobacter pylori
En France c’est 20 à 30% de la population qui est infectée. La contamination est interhumaine durant l’enfance et principalement par voie oro-orale. Il s’agit d’une infection chronique.
Helicobacter pylori exerce son pouvoir pathogène au niveau de l’estomac où elle s’accroche à la muqueuse gastrique grâce à des adhésines. Là où de nombreux agents pathogènes ne résisteraient pas, elle adore l’acidité gastrique. Elle s’adapte au pH acide de l’estomac en se créant un micro-environnement tamponné. Et elle se développe sournoisement sécrétant des molécules pro-inflammatoires qui vont léser la muqueuse gastrique.
Si elle n’est pas traitée elle persiste toute la vie. Fort heureusement l’infection est le plus souvent d’évolution silencieuse et sans manifestation ou symptôme particulier. Toutefois cela peut évoluer vers une maladie ulcéreuse (10% des cas). Notez que dans le passé les ulcères de l’estomac étaient décrits comme la résultante d’un stress trop important alors qu’il s’agissait d’une colonisation par Helicobacter pylori. Cette découverte a révolutionné la prise en charge des ulcères et largement diminué le nombre de chirurgies !

Quelques signes cliniques peuvent faire penser à une infection évolutive à Helicobcter pylori : douleur épigastrique, brûlure, crampe calmée par une prise alimentaire, reflux gastro-oesophagien, nausée, vomissement, dyspepsie, perte d’appétit, perte de poids, selles noires ± anémie ferriprive ou par carence en vitamine B12.
Les principales complications long terme d’une telle infection sont l’adénocarcinome gastrique, le lymphome du MALT.
Les mécanismes impliqués dans la diminution des réserves de Fer
Des études scientifiques récentes démontrent l’implication d’Helicobacter pylori dans l’anémie ferriprive réfractaire à un traitement martial par voie orale. La correction de l’anémie réfractaire après éradication d’ Helicobacter pylori fournit des preuves solides pour une relation de cause à effet.
En traduction simplifiée ça dit que cette bactérie peut être responsable d’une carence en Fer pouvant mener à une diminution du nombre de globules rouges et que la supplémentation en Fer sera peu efficace voir inutile tant que la bactérie ne sera pas éradiquée.

Alors comment elle fonctionne cette bactérie ?!
3 mécanismes peuvent expliquer l’effet de la bactérie sur les réserves de Fer:
1.Hémorragie occulte
Un saignement occulte secondaire à une gastrite érosive a été suggéré comme un des mécanismes pouvant expliquer la carence en Fer chez les patients infectés. Mais les lésions endoscopiques sont rares si bien qu’un saignement occulte ne peut expliquer la carence en Fer.
2.Consommation du Fer par la bactérie
Une autre hypothèse serait que la bactérie elle-même consomme du Fer diminuant ainsi la quantité de Fer disponible pour l’organisme.
3.Malabsorption du Fer
C’est ce mécanisme le plus probant. En effet, l’absorption du fer d’origine végétale (80% du Fer alimentaire) nécessite une réduction du fer ferrique en fer ferreux. Cette réduction est influencée par deux facteurs principaux : un pH acide qui favorise la réaction de réduction du Fer et la Vitamine C qui facilite la réduction du Fer et se lie au Fer pour favoriser son absorption digestive. Lors d’une inflammation gastrique on note souvent une diminution de la sécrétion d’acide (donc une augmentation du pH) et une diminution de la sécrétion de Vitamine C. Il en résulte une moindre réduction du Fer ferrique et une moindre absorption digestive. Les sujets mangeant peu de produits animaux et privilégiant les sources de Fer végétal sont donc plus à risque de déficit.
Le sportif largement exposé aux carences en Fer

Les données scientifiques disponibles attestent que les sujets les plus à risque d’anémie ferriprive secondaire à une infection à Helicobacter pylori sont les sujets présentant des réserves de Fer critiques : adolescents et femmes non ménopausées (du fait des menstruations plus ou moins abondantes).
Mais n’oublions pas les sportifs et les sportives qui bien souvent présentent des taux de Fer critiques eux aussi! Sans même être infectés par Helicobacter pylori le sportif est exposé à des carences en Fer par des mécanismes directement liés à l’activité sportive (Article sur les carences en Fer) Et c’est sans compter la sensibilité du système digestif de certains sportifs notamment sur des sports d’endurance. Le système digestif est souvent malmené et les phénomènes de malabsorption sont fréquents : lésions de la muqueuse digestive, accélération du transit diminuant le temps de contact entre les nutriments et la muqueuse… (Article sur les troubles digestifs à l’effort)
Le sportif présente donc un terrain déjà propice aux carences en Fer. Une infection à Helicobacter pylori ne fera qu’amplifier le phénomène. Une attention particulière doit donc être portée aux sportifs et la présence d’une anémie ferriprive résistante au traitement par le Fer peut orienter vers un dépistage de l’infection à Helicobacter pylori.
Quelle prise en charge en cas d’infection à Helicobacter pylori?
Si le dépistage s’est avéré positif il ne reste plus qu’à éradiquer la bactérie !
Le traitement consiste en une antibiothérapie (associations de 3 antibiotiques en général) de 10 à 14 jours. Accrochez-vous il ne faut pas moins de 3 comprimés 4 fois par jour ! Soyez assidu pour éviter toute antibiorésistance.
L’antibiothérapie est le plus souvent associée à un traitement antiacide pour préserver la muqueuse de l’acidité gastrique et limiter les phénomènes inflammatoires.
Bien entendu il est fort recommandé de prendre soin de votre flore digestive pendant ce traitement grâce à des probiotiques +/- prébiotiques ou via la consommation de laits fermentés (yaourts…) car les antibiotiques détruisent la flore pathogène mais aussi la flore commensale indispensable au bon fonctionnement de votre système digestif et immunitaire ! Les probiotiques assureront la présence d’une flore de transit qui limitera les troubles digestifs liés aux antibiotiques.
Après éradication d’Helicobacter pylori — et en l’absence de traitement par fer — l’anémie est le plus souvent corrigée ainsi que la carence en Fer. Toutefois pour gagner un peu de temps il est possible de prendre une supplémentation en Fer. Optez pour des compléments de Fer chélaté à dose physiologiques.
Et voilà ! Vous savez tout sur l’Iron Bactérie ! Pensez-y si vous faites face à une anémie inexpliquée et résistante à la supplémentation en Fer !
Alexia